Jean-Pierre Pincemin
Les amants séparés
1998

La rencontre de Jean-Pierre Pincemin avec la peinture se place d’emblée sous le signe de la matière et d’une expérimentation qui tient avant tout de la trouvaille et de l’improvisation.

Pincemin a d’abord été ouvrier tourneur, développant à travers ce métier un goût pour les constructions, les techniques et les assemblages qui plus tard ne cessera d’être au cœur de sa pratique artistique. De  même, c’est avec de vieux draps, de l’iode, du bleu de méthylène et du mercurochrome trouvés par hasard pendant son service militaire qu’il réalise ses premières peintures. Ayant découvert le monde de la peinture au musée du Louvre, encouragé à s’y rendre par un professeur de dessin, c’est en autodidacte qu’il commence à peindre et à se former une culture artistique. Celle-ci est grandement influencée par sa rencontre avec le galeriste Jean Fournier, qui lui fait découvrir la nouvelle génération d’artistes qu’il défend, de Sam Francis à Simon Hantaï ou Jean Degottex. Explorant avec enthousiasme les nouvelles avant-gardes, Pincemin y trouve vite ses repères et les influences qui marqueront toute son œuvre à venir, à commencer par Jackson Pollock, Mark Rothko et ce qu’il appelle « la leçon de Franz Kline ».

Jean-Pierre Pincemin (1944–2005)

Les amants séparés
1998

Technique mixte sur papier
Signée et datée en bas à droite
55,5 x 42 cm

Provenance :
Collection particulière, Paris

EN SAVOIR PLUS

Toute une seconde partie de son œuvre opère ensuite un glissement vers la figuration,

amorcé notamment par sa découverte de la gravure, qui l’amène à explorer et s’approprier tout un répertoire d’images, de l’iconographie médiévale au folklore indien ou aux estampes japonaises. À partir de la série L’Année de l’Inde (1986), une grande partie de son travail s’inscrit désormais dans un jeu de références et de réinterprétation des traditions classiques, cherchant à « obtenir sur la surface du tableau un point d’équilibre entre la présence d’une image et son absence ». Ancrant son œuvre dans l’héritage de nombreuses pratiques, de l’action painting à l’art minimal américain ou à la bande-dessinée, Jean-Pierre Pincemin a pris soin de ne jamais adhérer à aucun courant, se laissant guider, en passionné de jazz qu’il était, par une improvisation combinant rigueur et embardées, à travers laquelle il recherchait avant tout « cette faculté qu’ont les enfants de coller des hasards ensemble, d’en faire des évidences. »

Pincemin a formulé la volonté de « tout balayer et tout assimiler », et de fait les techniques et les éléments qu’il emploie sont innombrables :

empreintes, encollages, agrafages, pâte à modeler, bitume, gélatine de bovin, sucre, toile cirée, huile de moteur, tôle ondulée, caoutchouc, grillage. Tous procédés et « couleurs trouvées » qui participent de ce qu’il appelle une « science de la matière », empirique et jubilatoire. Ainsi, si la couleur est si importante à ses yeux, c’est avant tout par sa texture, toujours extrêmement travaillée, formée d’épaisseurs, de sous-couches, de reflets de surface. Ce souci de la couleur est d’abord mis au service d’un art abstrait structuré autour d’un travail rigoureux et minimaliste de la composition, qui n’est pas sans lien avec les réflexions du groupe Supports/Surfaces. Mais si Pincemin, notamment à travers sa collaboration avec Claude Viallat, a brièvement côtoyé les membres de Supports/Surfaces, il n’a jamais véritablement pris part à leur mouvement, étant trop porté par le jaillissement du geste et par la nécessité d’un renouvellement constant pour y adhérer.